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Grain de sel du sociologue N 8,

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Grain de sel du sociologue N 8
Au Sénégal, L’Etat c’est qui ? Le peuple ou les politiciens ?
Si la démocratie veut dire un régime politique dans lequel le peuple souverain décide et fait loi par l’intermédiaire de ses représentants désignés lors d’élections au suffrage universel, peut-on considérer le Sénégal comme une démocratie ? Au Sénégal, entre les politiciens et le peuple, qui décide ? D’où émanent les lois ? L’Etat reflète t’il la société civile dans son ensemble ? A qui profitent la force et les ressources publiques ? Les ressources naturelles du Sénégal appartiennent-elles au peuple, comme le stipule l’article 25 de la constitution ?
Ainsi sommes-nous en droit de se demander si, au regard de la clé de répartition récemment proposée par le gouvernement de Macky Sall concernant les revenus attendus des hydrocarbures, l’Etat sénégalais est la représentation fidèle de la société sénégalaise. Les décisions qu’il est amené à prendre en ce qui concerne notamment les avoirs publics sont-elles l’expression de la volonté du peuple dans sa majorité ? Entre les politiciens et les citoyens, qui décident du destin du Sénégal ?
Plus concrètement, quel est la part et l’impact du peuple dans la gouvernance des ressources naturelles au Sénégal ?
Pour rappel, lors du conseil présidentiel tenu le Mardi 21 Décembre 2021 au CICAD de Diamniadio, le gouvernement du Sénégal est revenu sur la loi concernant la clé de répartition des revenus qui seront issus de l’exploitation future de ses ressources en hydrocarbures.
En résumé, le Président Macky Sall informe que le Sénégal va gagner chaque année 700 milliards. Ainsi, 90% de ces recettes seront destinées à l’investissement (dans le budget de l’Etat). Tout le reste est voué à l’épargne et réservé aux générations futures (fonds intergénérationnel). Le surplus qui proviendrait de la différence entre les revenus prévisionnels et les recettes réelles encaissées sera consacré pour alimenter le fonds de stabilisation.
Encore plus, le gouvernement donne des gages sur une gestion transparente et optimale des ressources au profit de l’intérêt général et somme d’arrêter de mettre en lien l’exploitation des hydrocarbures et la pêche.
Par ailleurs, nous estimerions que ce conseil est une occasion à jamais pour alarmer les citoyens sénégalais, non seulement sur la façon dont les ressources en hydrocarbures du Sénégal sont en train d’être gérées par le gouvernement, mais surtout des dangers qu’encourt le pays au cas où les ressources sont exploitées sans consensus.
Pour répondre au problème posé, on va d’abord interroger le niveau d’implication du peuple dans la gestion des ressources naturelles pour ensuite mesurer le niveau de sincérité des gages de l’Etat sur les hydrocarbures à l’aune des pratiques constatées dans les mines et les carrières déjà en exploitation.
Premièrement, dans tout le processus, c’est le gouvernement qui décide de manière unilatérale et revient ensuite organiser une cérémonie de trompe l’œil pour laisser croire que toutes les parties prenantes ont été consultées.
Qui sont ces personnes qui sont allées représenter les populations dans cette concertation ? Autrement dit, sont-ils représentatifs de la population et comment ont-ils été choisies ? Quel est l’impact de leur intervention dans le processus d’exploitation des ressources ? Qu’à cela ne tienne, force est de reconnaitre qu’en raison de la nature de notre système de représentation politique et du mode d’élection en vigueur, il est difficile que le peuple fasse loi. Les porteurs du projet de loi pour la criminalisation de l’homosexualité au Sénégal ne diront pas le contraire.
A cela s’ajoute l’inertie de la généralité des citoyens favorisée par leur incompétence politique et le dénuement total auquel ils sont condamnés. Ce qui ne leur permet pas de saisir les vrais enjeux et d’exercer leur souveraineté comme il se doit vis-à-vis de leurs mandants. Tout est fait pour permettre au président de décider de tout et de rien et, avec la complicité d’une certaine société civile, revenir ensuite à trouver des schémas de légitimation.
Sans doute, la manière dont l’Etat agit sur les ressources naturelles dénote un problème de démocratie participative avec un système politique et un mode d’élection qui ne permettent pas l’implication des citoyens dans le fonctionnement de l’Etat. Ainsi, tant que ce système existera, le risque de monocratie subsistera au profit d’une caste de politiciens et au grand dam de l’intérêt général.
Sur ce, les intellectuels doivent aider à réfléchir sur une démocratie participative dans laquelle les citoyens dans leur écrasante majorité seront au cœur de la marche des affaires de la cité. Nous en profitons d’ailleurs pour saluer au passage la publication récente du livre collectif d’Ousmane Sonko et de Moussa Balla Fofana sur « les territoires du développement ». Espérant que ça sera un déclic pour que le débat public soit plus orienté vers les vrais enjeux de l’heure, en particulier la réforme de notre système de décentralisation.
Deuxièmement, vu la situation dans la gestion des mines, des carrières et autres ressources publiques, peut-on continuer de faire confiance à l’Etat sénégalais que les hydrocarbures feront l’objet d’une bonne gouvernance ?
En effet, via des recherches documentaires poussées et des descentes de terrain dans des zones d’exploitation de carrières et de mines au Sénégal, nous avons constaté que l’exploitation minière au Sénégal est source de dégradation des conditions de vie environnementale, sociale et économique, malgré quelques bénéfices sociaux pour les populations impactées qui exigent l’exclusion des sociétés minières ou bien l’intervention de l’Etat pour corriger le gap dans la répartition des revenus et dans l’atténuation des dommages.
Pourtant, tout ce que l’Etat a dit et promis dans les hydrocarbures, il l’avait dit et promis dans les mines et les carrières. Une pléthore d’institutions et de lois sont créés. Mais entre ces lois et ces institutions et la réalité de leur impact sur la qualité de vie des citoyens, il y a une distance.
Pis encore, l’Etat sénégalais se comporte en commerçant bradeur des ressources naturelles du Sénégal. Il gère les ressources publiques sans aucun modèle économique clair. A l’instar de l’économie de subsistance, qui a toujours prévalu depuis la colonisation, l’Etat sénégalais n’a pas d’autre vision dans les ressources naturelles à part vendre des licences d’exploration et/ou d’exploitation pour ensuite attendre des recettes fiscales qui vont servir à alimenter le trésor. Ainsi, l’argent du trésor est utilisé pour des dépenses courantes (payer des salaires par exemple) et des investissements peu structurants et à faible impact social. C’est le même modèle que l’Etat veut reproduire dans les revenus qui vont provenir des hydrocarbures. A ce rythme, non seulement ces ressources risquent de ne pas profiter aux populations, mais elles comportent des menaces sérieuses sur la biodiversité, sur les activités économiques traditionnelles (la pêche en particulier) et sur la cohésion sociale au Sénégal.
Déjà, tout le monde parle des retombées sans se soucier des risques. Assurément, si les mêmes pratiques dans les mines et carrières sont reproduites dans les hydrocarbures, le pétrole sera plus qu’une malédiction pour le Sénégal.
D’ailleurs, seulement avec l’exploration, les pécheurs ont commencé à se plaindre. Qu’est-ce qu’il en sera alors quand l’exploitation démarrera ? Avec tous les risques d’explosion, de catastrophes, de déstabilisation sociale et de destruction environnementale que comporte l’exploitation du pétrole, avons-nous un Etat responsable, capable de proactivité et de réactivité pour parer à toute éventualité ?
Notre réflexion s’arrête là !
Cheikh Tidiane Mbaye Responsable pédagogique CLUB RMS

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