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Simple président ou président simple, quel Sénégal si Macky Sall entait le charisme éclectique de Idrissa Seck à sa souplesse relationnelle ?

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Simple président ou président simple, quel Sénégal si Macky Sall entait le charisme éclectique de Idrissa Seck à sa souplesse relationnelle ?

S’il est une expression, dont l’évocation a failli jouer un mauvais tour au président Macky Sall, lors des joutes électorales de 2012, c’est celle taxant « les marabouts de citoyens ordinaires ». Dite, soit par lapsus ou exprès, elle ne manque pas d’intérêt à l’analyse, surtout quand nous l’appliquons à son auteur. Aussi, sans verser dans une logique polémique, nous permettons-nous un regard analytique sur la personnalité politique du président Macky SALL à la lumière de ses actions posées (pour ne pas dire bilan), et par contraste avec deux de ses frères idéologiques et potentiels opposants, Idrissa SECK et Karim WADE, tous éléments du système dont il est question dans ce propos.
Avant cela, entendons-nous sur le mot simple, utilisé ici dans un double sens. Le premier est ordinaire et est appliqué à la réalité humaine. Dans le sens de l’état stratifié de la société, on a d’un côté, une masse et de l’autre, une élite, c’est-à-dire des éclairés et doués faits pour diriger et guider ainsi que des gens destinés à être dirigés «Si tout le monde était sur le même pied, certains auraient rejeté leur part », disent les wolofs et la littéralité est voulue. Mais, arrive-t-il que certaines circonstances accidentelles fassent que des gens destinés à être dirigés arrivent à la station dirigeante.
Aussi, le mot simple est souvent galvaudé avec l’extraordinaire ou le complexe. Ce dernier sens appliqué à la réalité humaine, on pense aux leaders nés, aux gens de visions lointaines, aux personnes charismatiques et éclairées faites pour diriger. Par contre, cette dimension de la personnalité humaine peut être nocive, quand elle ne sait pas redescendre jusqu’aux esprits plus bas pour les éclairer efficacement. Autrement dit, il faut à la fois savoir monter jusqu’à un certain niveau d’intelligence et de visions (dialectique ascendante) et savoir redescendre jusqu’à un autre degré moindre (dialectique descendante) pour appliquer et faire appliquer concrètement la vision.
Enfin, il y a une dernière acception que nous pouvons avoir du mot simple. Ce peut être une personne lourdement lestée en dons, mais très souple en termes de relations sociales et de rapports humains. Autrement dit, une personne modeste et désintéressée, qui agit sans prétention ni calcul, sachant naviguer entre les deux extrémités. Cette personne fera le bon leader, le leader né en quelque sorte. C’est en effet, à travers cette grille d’analyse que nous comptons appréhender les deux personnalités politiques contrastées du Sénégal, produits du système, notamment Macky SALL et Idrissa SECK.
Dans cet ordre d’idées, partons du niveau d’engagement des Sénégalais lors des événements sociopolitiques des années 2011-2012, aboutissant à la révolution du 23 juin. Qu’on continue de parler de transhumance, d’arrogance, de népotisme, de gabegie, de justice à deux vitesses, de détournements de deniers publics, de troisième mandat, entre autres dérives ne peut manquer d’instiller le sentiment de déception vis-à-vis du régime actuel qui n’a pas su décoder le message populaire qui faisait le lit de ces manifestations de ras-le-bol contre un système qui a trop déçu.
Sans faire le panorama de ces messages, précisons que le désir de rupture y était très apparent. Aux premiers moments de son accession au pouvoir, les Sénégalais étaient prêts à tout sacrifice et toute concession pour poursuivre un destin meilleur et adopter un nouveau comportement, guidé par un leader. Il restait seulement ce leadership capable de mobiliser toute cette énergie prête au changement, et mener vers une transformation positive. Malheureusement, ces énergies positives ont été découragées.
Presque à 11 ans de règne, disons que, même si la volonté de bien faire ressort dans les discours et certaines mesures sociales et infrastructurelles, il y a un parfait déphasage entre ce vouloir dont la sincérité reste à prouver et la capacité de transformer le pays. Déjà, tous les slogans, prônés au début et dans tous les sens, n’ont plus sens. La rupture, slogan le plus popularisé par le régime actuel à ses débuts, est devenue obsolète. On n’en parle même plus, du fait du mal à l’acter, alors que c’était une demande sociale des Sénégalais qui ont trop souffert d’un système politique politicien, de médiocrités, de mensonges, d’arrogance, de promotion de contre valeurs, de désorganisation sociale, d’injustice et de rapport négatif entre la société et ses institutions.
Alors, à ce niveau de prise de conscience, un bon dirigeant, qui voudrait appliquer la rupture ne saurait manquer d’un certain caractère désintéressé et d’une intelligence managériale avérée. Et à vouloir soumettre les ambitions du parti à l’intérêt de la patrie (« la patrie avant le parti », slogan du chef de l’Etat en exercice), un certain esprit de justice, de sacrifice, d’oubli de soi et d’abnégation, est une condition sine qua non que doit incarner l’autorité. Ligne dévoyée depuis que le régime a assumé sa volonté de massification par un appel urbi et orbi aux transhumants qui l’ont bien ouï d’ailleurs.
De là, des scandales politiques allant crescendo. Le plus catastrophique, les politiques sociales électoralistes, notamment la bourse de sécurité familiale. Lors de la campagne présidentielle de février 2019, des responsables de l’APR ont menacé certaines populations de perdre leurs allocations sociales, si elles votaient contre le régime. Cette politique, quoi qu’utile pour ses bénéficiaires, vise à entretenir la pauvreté et se révèle dangereuse pour un peuple qui veut atteindre l’émergence. Comment venir dans un quartier, stigmatiser toute une famille supposée pauvre, sous prétexte de l’aider avec 100. 000 francs l’année, soit 25 000 francs tous les trois mois ? Et aujourd’hui, personne n’ignore le caractère politisé de ces bourses qui ont plus profité à des militants alimentaires qu’à des Sénégalais démunis.
Ne fallait-il pas faire le tour de Dakar pour voir toute cette masse pitoyable (souvent de femmes démunies portant des enfants innocents), s’enquérir de leurs origines, leurs caractéristiques sociales ainsi que leurs situations, pour éventuellement trouver des solutions adéquates, et non fataliser la situation pauvre de certains citoyens (dont le critère objectif de leur sélection fait doute), pour tout simplement pouvoir bénéficier de leur sympathie, et par conséquent, en tirer des voix électorales. Quand on veut construire un pays, dont tout est à construire, il urge de chasser le désir pressant de réélection et se concentrer sur son élection, déjà acquise.
La meilleure façon pour un Président élu de battre campagne, c’est de bien travailler pour l’intérêt général afin que sa réélection soit assurée sans tambours ni trompette. Mais le garder en tête ralentit ou dévie les bonnes actions à des mesures populistes sans impact durable sur le bien-être des populations.
Les autres scandales, en termes de mauvaise gouvernance, d’instrumentalisation de la justice, de manipulation de la puissance publique, de détournements de deniers publics impunis, de choix d’investissements non prioritaires, entre autres, sont légion.
Hélas ! Avec tout ce qu’il a dit au début et tout ce qu’il fait jusqu’ici, le président Macky SALL est-il un président simple (sobre) ou un simple président (ordinaire) ? Question légitime, vu le déroulé de son mandat, dont l’illustration peut être faite suivant l’image suivante : Un père de famille qui, par mépris de ses enfants qui se chamaillent pour un cadeau qu’il a apporté, les sanctionne en le donnant à un tiers, peut-être un talibé.
Ce pourrait tout de même être assimilé à un vent passager qu’on appelle call mbeer en wolof. On dirait que le Président pense que son fauteuil présidentiel vacille. De ce point de vue, il cherche à instaurer dans le pays une démocratie de consensus mou (neutraliser l’opposition en encourageant les grandes coalitions et les transhumances et interdire les manifestations civiles et politiques). A vrai dire, il faut être tremblant, pour avoir peur du bruit, en pensant que tout ce qui bouge est menace pour le pouvoir en place au point de s’affoler.
Outre père de la nation, le Président a le devoir de rassembler toutes les sensibilités ainsi que toutes les compétences du pays pour discuter et agir sur les affaires de toute la nation, mais la morale lui interdit des compromissions avec certaines parties de la population pour accroître son influence, ou de faire des restrictions contre tout acquis démocratique du pays.
De plus, avec ce régime, on a l’impression que le statut de chef d’Etat perd de plus en plus son mythe. Et l’on n’en est pas encore à la fin de liste des partis politiques et mouvements citoyens. Cela étant, chacun, aujourd’hui, prétend être présidentiable. Ce qui n’est pas, par contre, un exercice délicat. Prenons le cas de Karim WADE. Celui-là dont on ne connaît aucun exploit politique, à part qu’il est fils du président Abdoulaye WADE bénéficiant de sa notoriété. En ce sens, certains prédisent sa future présidentialité. Exclu de la course aux présidentielles par le conseil constitutionnel après avoir fait son deal dont tous les Sénégalais ignorent tenants et aboutissants, il veut insinuer une entreprise de résistances contre le régime en place avec la complicité de son père. Il revient de savoir raison garder pour connaître les vrais leaders de rupture avec qui s’allier pour mener des combats sociaux. Ainsi tous ces politiciens du système méritent-ils d’installer le pays dans une situation de chaos et de violence inouïe. Méritent-ils pas la mobilisation des masses en ce sens qu’ils ne sont animés que par leurs propres intérêts ? C’est du pareil au même. Ils sont tous des gens du système qui doivent disparaître de l’espace politique sénégalais laissant la place à d’autres races d’hommes politiques.
Aussi, force est-ce de reconnaître que le culte de la personnalité est toujours ancré dans les mentalités sénégalaises. Ce qui défavorise le vote par mérite, par programme ou par projet de société. Le malheur est dû au fait qu’on a une démocratie dans la pauvreté et l’analphabétisme massif. Ce qui ne favorise pas une agressivité culturelle de la part du peuple vis-à-vis de ses mandataires.
Toutefois, si on veut trouver un contraire au président Macky SALL, on peut prendre Idrissa SECK, chez qui se retrouve tout ce qui manque au Président Macky SALL. Et vice versa, tout ce qui fait défaut à Idrissa SECK se retrouve chez Macky SALL. Et si le défaut du Président Macky est d’être un simple président, le défaut d’Idrissa SECK est d’être un extraordinaire “président”. Idrissa SECK se comporte souvent comme président dans l’opposition car très difficile et inaccessible. Ce qui ne rime pas avec la politique de conquête qui exige essentiellement souplesse et proximité.
De plus, la base politique est comme une fille déjà convaincue ou conquise. Chaque jour, il faut chercher des astuces pour la fidéliser, pour qu’elle ne soit tentée de voir ailleurs. De ce point de vue, Idrissa SECK pense toujours que Thiès est sa chasse gardée, mais il est à craindre que ce sentiment candide lui joue un mauvais tour. Si conseil devait lui être donné, il serait plus commode d’adopter une attitude d’ouverture et d’écoute religieuse de l’opinion des autres, conseillers, partenaires politiques, analystes ou sympathisants. Ainsi, l’intelligent, loin d’être un atout, est un défaut pour un dirigeant ou aspirant à l’être, parce que portant à croire que les gens sont éternellement médiocres, alors que la sottise n’est pas une fatalité humaine ou sociale.
Ce complexe de supériorité intellectuelle a perdu Idrissa SECK lors de sa sortie sur le sujet de « Bakka et Makka ». Avant cette déclaration, Il avait commencé à retrouver la sympathie et la confiance d’une importante partie des Sénégalais. Mais depuis, il a perdu beaucoup, laissant un vide dont a profité Ousmane SONKO, actuel farouche opposant à Macky SALL. Même s’il y a un regain de sympathie à son endroit.
Quant au Président Macky SALL, son fort est la souplesse et les relations humaines. Il faut, de ce point de vue, cogiter sur les raisons qui font que les leaders de Benno Bokk Yaakaar lui restent fidèles. Et les dires du président de l’AFP, Moustapha NIASS « Macky douma gueneu gore », « je ne serai pas moins loyal que Macky », font sens. Mais cette intelligence politicienne, profitable dans la politique de conquête de voix, et de fait, du pouvoir, la diplomatie ainsi que la promotion des politiques sociales populistes, est quelque part peu favorable dans la politique de gestion et de développement dans son sens large (culturel, social, politique et économique).
En en mot, le président idéal du Sénégal sera, en effet, celui qui réunira en lui la souplesse du Président Macky SALL et le charisme éclectique de Idrissa SECK. Cette synthèse, seule, fera du Sénégal, un pays émergent.

Docteur Cheikh Tidiane MBAYE
Enseignant à l’UCAB (Sociologie de l’entreprise ; Ethique des affaires)
Spécialiste en sociologie des religions
DG Cabinet l’œil du sociologue (Formation ; encadrement de mémoires et de thèses ; production de données ; intervention sociale ; voyage d’étude ; correction de documents scientifiques)
Président Think Tank GARAB
Responsable pédagogique CLUB RMS
Numéro : 77 561 99 10
E-mail : cheikhtidianembaye94@gmail.com

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